DU CHEROUITE AU BOUCHEROUITE
Pour passer d’un bout de tissus à un Boucherouite puis à un accessoire fini, c’est toute l’équipe qui en a pour quelques jours de travail.
PRÉPARATION DES MATIÈRES
Avant de commencer un Boucherouite, il faut de la matière, tissus propres et files recyclés.
Les fins de bobines et files inutiles que produisent les usines de textile dans différents domaines sont collectés chez des artisanes spécialisées, ils passent par une étape de tri par couleur et par épaisseur, les files sont ensuite dédoublés plusieurs fois pour une meilleure consistance puis embobinés. Ils seront ensuite tordu sur une cuvette en bois, puis libéré en écheveaux, une fois les écheveaux prêts, c’est le tour de l’embobinage et voici enfin nos bobines de files recyclées prêtes.
Les tissus, sont à leur tour collectés puis triés selon leur couleur et longueur, les plus longs servirons mieux à la trame, les plus courts sont gardés pour les nœuds. Chaque morceau long est coupé en fines lanières, une étape très longue qui demande beaucoup de patience, car des lanières épaisses donnes un tissage épais.
Le tissu et le file prêt, il est temps de monter le métier, on trouve généralement deux artisanes à trois qui le font le mieux, elles se réveillent tôt le matin avant que le soleil ne devient tapant et commencent leur travail.
SDAWA : PRÉPARATION DE LA CHAINE
D’abord, Deggan L’Ouwtad, les femmes enfoncent deux clous géants dans le sol à coups de marteaux, une étape très bruyante, mais qui inspire la tradition. Les clous doivent être bien droits et parallèles, la distance entre eux, représentera la longueur du tapis.
A cette étape, la tradition dit qu’il est strictement interdit de passer au-dessus des files, ils disent que cela porte malheur, si jamais quelqu’un passe, toutes les femmes crient : « Non attention ! Retourne tout de suite par-dessus ! ».
Les artisanes recevaient aussi des morceaux de sucre et des pièces de monnaie, c’est la tradition, les voisines, pendant la Sdawa, doivent laisser le Barouk ou la Hlawa…
Puis vient l’étape de Sdawa, les deux artisanes s’occupent chacune d’un clou, un de leurs enfants doit faire des vas et viens pour passer le file au travers des deux, de leurs côtés chacune des femmes attache les files à la technique du Dker ou Nta (mâle et femelle), le nombre de files attachés représentera la largeur du tapis.
L’INSTALLATION DE NIRA
La Sdawa installée sur le métier forme RoH (la chaîne), la base du tissage, une bonne chaîne assez dense et serrée fera un léger tapis droit et de bonne qualité.
Le travail sur Mensej est souvent fait par des femmes dans les douars, les hommes aussi pratiquent le tissage, mais eux, font ça sur le Derraz, c’est plus rapide, on dit que c’est un tissage du souk, celui de l’Mensej est fait « Ala Heqo ou triqou ».
Une fois le montage terminé, le tissage commence :
D’abord, elles installent Nira, c’est une canne légère attachée à chacun des files de la chaîne par la technique du Dker ou Nta encore une fois, cela permet de tenir les files de la chaîne alternés sur la largeur.
Puis une autre canne est installée, elle complète Nira, on l’appelle l’Guesba.
Là, elles peuvent commencer la trame, ceci consiste à faire passer de longues lanières de tissu de manière perpendiculaire à la trame.
Puis à l’aide d’une Khelala métallique assez lourde, elles tapotent de coups aussi tendres que secs le tissu, comme pour le mettre en ligne droite sans lui faire mal.
UN BON COMPAGNON
Un beau tapis doit être droit, serré avec des motifs bien définis, mais sans amour et empathie, un tapis Marocain Berbère n’est pas complet. Pour ne pas s’ennuyer, les femmes utilisent le langage des cloches ou des Louizat (louis), chacune personnalise sa Khelala comme elle veut, ses joyeux bruitages l’accompagnaient et lui faisaient plaisir.
Tapis Boucherouite : Jerray et Oqda
Le tissage peut être entièrement en chaîne et trame, ou noué à la technique de l’Oqda. Il s’agit d’une ligne nouée entre chaque 4 ou 6 lignes de trame, les artisanes insèrent des nœuds dans un ordre bien précis, c’est tout un calcul, comme pour dessiner avec des points, ligne par ligne.
Les étapes se répètent et s’enchaînent jusqu’à finir le tapis, et pour être sûres que le tapis ne s’effilochera pas, elles le serrent à la fameuse technique du Dker ou Nta. Maintenant le tapis est presque prêt.
Pour finir, elles détachent le tapis du Mensej, en coupant la Tegrija, ce qui reste de la chaîne aux extrémités.
DU BOUCHEROUITE AU SAC IDYR
Voilà enfin un tissage Boucherouite prêt, il sera transporté vers l’artisan maroquinier et traversera un long processus avant de devenir sac à main ou pochette.
Il faut d’abord tracer le tissage, selon les gabarits de la pièce, en faisant bien attention à ne pas en gaspiller.
Puis avant de couper, il faudra fixer les extrémités, pour ne pas que le tissage s’effiloche
Finalement il sera fixé sur le cuir, cousu, les accessoires installés et le sac est prêt !